Habituellement, avant d’écrire un texte, j’ai un angle, une
idée à partager. Mais depuis 2 jours, je n’ai aucun angle pour gérer ma
perception de cette course de 160km. D’ailleurs, je n’ai également aucun angle pour marcher sans avoir mal aux
jambes ou descendre des escaliers sans avoir l’air d’une personne de 109 ans! Donc
préparez-vous bien à lire ce qui suit, on va se dire les vraies affaires.
J’ai échoué. C’est pas compliqué, je n’ai aucune défaite et
ne tenterai pas d’en trouver! Attention :
ne venez pas me dire que l’important c’est de participer. L’important c’était
de terminer. Ne venez pas me dire que j’ai quand même fait 70km, j’ai ai
seulement fait 70 sur 160! Même pas la moitié! Ne venez pas me dire que c’est
déjà plus de km que la plupart des gens en font, je m’en fous! Je ne fais pas
de la course pour me comparer mais bien pour me dépasser et dépasser mes
limites! SURTOUT, ne venez pas me dire que cette distance c’est peut-être trop
long et que je pourrais me blesser les genoux ou les pieds, car aussitôt que je
suis capable de recommencer à courir, je vais aller vous botter les fesses! J.
Je suis très très loin d’être un connaisseur en ultra
marathon. Mais ce que j’ai compris en fin de semaine, c’est qu’un petit détail,
insignifiant, gros comme une crotte de souris, peut faire en sorte qu’un
coureur abandonne sa course. Une petite douleur sous le pied, un petit
étirement dans le genou, une crampe ou une douleur au ventre. Ou encore le moral
qui chute comme la température, l’énergie qui disparaît sans que l’on sache
trop pourquoi, la bouffe qui ne passe plus…Ce sont tous des détails qui peuvent
vous abattre, vous et votre détermination! Additionnez-en 2 ou 3,
multipliez-les par une bonne averse et une course technique dans des trails qui
montent et descendent et il ne vous reste que 10 mutants sur 36 inscrits qui
ont terminés la course. RESPECT À CES COUREURS!
Donc tout allait bien, le moral, les cuisses et la
compagnie. J’ai couru tout le long avec Mario et Daniel, qui font partie de
cette race de mutants, avec qui j’ai eu vraiment du plaisir. Les genoux
tiraient un peu dans les descentes et la plante des pieds me disait qu’elle
existait, mais sans plus. Jusqu’au 65 ou 66ème km. Là j’ai compris.
Compris que je ne finirais pas le 160km. Comme la douleur augmentait aussi
rapidement qu’une érection d’un ado de 14 ans devant un poster de Samantha Fox...ça
c’est vite…je devais faire un choix. Arrêter au camp de base, ou retourner
faire une boucle d’environ 10km pour atteindre le 80km. Quand j’ai réalisé que
de toute façon, il serait écrit à côté de mon nom : DNF ( did not finish),
et non la distance parcourue je me suis dit que je ne me ferais pas chier pour
10km de plus! Si la distance totale à faire avait été 80km, j’aurais assurément
finit. Je serais allé jusqu’à marcher sur les mains. Mais marcher sur les mains
pendant 90km, ça use les paumes, alors j’ai stoppé à 70km. Évite les blessures
à long terme champion…
Je suis finalement allé voir une gentille et jolie bénévole
pour lui dire que je quittais la course. Le problème? J’avais vraiment (à ce
moment) un super moral. J’étais souriant et détendu. Le type même du gars qui
est bon pour s’en taper 90 de plus. Alors la fille ne m’a pas pris au sérieux!
J’ai dû lui redire à 2 fois pour qu’elle raye mon nom de sur la liste. Au moins
la bonne nouvelle, c’est que justement tous les bénévoles que j’ai vus étaient
probablement encore plus « crinqués » que moi, ce qui est très bon
pour la motivation des coureurs. CHAPEAU les bénévoles.
J’ai pris mes godasses et mon petit malheur, et je suis retourné
à Shawinigan. N’oubliez pas qu’il était 22h30 quand j’ai abandonné (beurk, quel
mot désagréable). Je me suis donc mis en route, tout de même euphorique d’avoir
fait 70km aussi facilement et avec une impression de sagesse d’avoir préféré ne
pas me blesser plutôt que pêcher par orgueil. J’ai roulé en écoutant un CD de
François Pérusse, qui est très drôle après un 13 heures de course en sentier et
suis arrivé à la maison.
Après une nuit de douleur aux jambes, ce qui est tout à fait
normal, la Réalité a commencé à frapper à ma porte. Quand on frappe à ma porte,
habituellement je l’ouvre. Et comme la Réalité a cogné sans voir que j’ouvrais,
j’ai eu le coup sur la gueule. Le doute, les questions, la déception et la
douleur se mélangent alors dans un super cocktail qui rend tout homme très agréable.
Pauvre ma blonde. Je suis parti stressé vendredi, pour revenir dépressif
dimanche. Pour être une blonde de coureur, faut être faite forte!
Alors j’en suis là, à tenter de gérer le tout. En me disant
que c’était probablement une de mes meilleures courses question jambes et moral, avec une
super organisation, un site et des points de vue hallucinant, des coureurs de qualité,
et que j’ai malheureusement manqué mon coup. Je suis allé jouer dans la cour
des grands, et les grands m’ont dit : hé petit, va faire tes devoirs et tu
reviendras.
Alors c’est ce que je vais faire...Bromont, on se reverra!