Bon ok. On va se la jouer honnête.
Première étape, mettez des écouteurs ou montez le son de
votre ordi;
Deuxième étape, cliquezici et partez la musique. Pas de gêne, montez le volume. Ensuite revenez
lire;
Troisième étape soyez prêts, je ne ferai pas dans la
dentelle.
Courir n’est pas toujours une
partie de plaisir. Samedi dernier, ce fut le cas pour moi. 80km de prévu à la
Chute du Diable. Un super évènement de course en sentier, une organisation
parfaite, des coureurs et des bénévoles trippants, tout y était. Je vous jure,
c’était parfait. Tout était parfait, sauf mes jambes, mon moral et ma
préparation à la course.
J’ai approché cette course comme
si j’allais courir un 5km sur la route. Un peu (beaucoup) à la dernière
minute. Focus sur le Jungle Marathon, je me suis dit que j’étais prêt pour
courir 80km! Pas de stress! Je me suis pris pour un autre? Peut-être.
(Probablement) 80km? Pfff. Y a rien là! (1ère erreur)
Donc je suis parti à 03h45 de
chez moi et me suis élancé à 5h samedi matin dernier, après m’être couché la veille
à 23h, avoir bu du vin et une bière. Notez que j’ai mangé des pâtes, histoire
de me faire croire que j’étais discipliné. (2ème erreur)
Déjà après 10km, je savais que j’allais en chier. Oui oui,
en chier. Car n’oublions pas que je courais avec mon sac d’environ 18lbs et les
vêtements que je porterai dans la jungle : c’était la dernière grosse
pratique. Donc après 10km, le diable était déjà dans ma tête. Il me disait : « Arrêtes
ça tout de suite, de toute façon tu ne seras pas capable. » 10km… Il m’en
restait 70! J’avais les jambes molles, les pieds douloureux et le moral au plus
bas. Incapable de me sortir ce foutu diable de la tête, le salopard continuait : « T’es
fatigué Carl! T’as eu une année intense avec les enfants, la job, l’entraînement,
le demi des pompiers. Tu es ben trop fatigué…Tu devrais arrêter et aller passer
la journée avec ta famille! »
Rendu autour de 25-30km, je commence à rencontrer des gens à
sens inverse qui font le 50km. Les coureurs sont heureux, ils ont le feu dans les
yeux, le sourire aux lèvres et je sens qu’ils sont forts. Le diable est
derrière eux, mais n’arrive pas à les rattraper. Cet osti là me fait des clins
d’œil en passant en me dit de l’attendre, qu’il reviendra pour moi bientôt. Notez
que j’ai d’ailleurs croisé Sébastien Roulier dans ces environs qui était à son
retour sur le 80km, et d’après moi ce gars court tellement vite qu’il donne des
coups de pieds au diable pour le tasser du chemin!!!
Je croise des gens que je connais et d’autres inconnus, qui
m’encouragent pour la course mais qui en profitent aussi pour m’encourager pour
le Jungle Marathon. Wow! C’est vraiment stimulant et je suis super heureux. (Merci
d’ailleurs à tous ceux que j’ai croisés, vous m’avez permis d’oublier le diable
plusieurs fois pendant quelques minutes J
).
Mais le sale con de diable continue : « Tsé
Carl, t’as pas le choix de finir cette course, les gens te reconnaissent, ils
sont venus t’encourager au 5 à 7, tu t’es mis la face dans les médias…t’as pas
le choix de finir ce 80km…mais tu ne seras pas capable! Qu’est-ce que les
gens vont penser de toi?».
Un peu plus tard, je rencontre Junior, un pompier avec qui
je travaille. Il fait son 1er 50km. Ouff. Le gars a tellement l’air
solide et souriant! Je ne veux pas avoir l’air trop défait, mais la course
commence vraiment à être difficile. On échange
quelques mots, je suis content de le voir encore si en forme. Ensuite c’est
Guylaine, une autre qui flotte malgré sa première expérience du 50km. Wow, je
suis heureux pour mon amie car je sais que c’est un vrai défi, mais elle semble
tellement zen! Je lui demande d’appeler mon pote Pierre pour lui dire de venir
me chercher plus tard, car ma course va mal et je crois bien que je devrai
finir seul, longtemps après la fin officielle de la course. Je sais déjà que je
n’arriverai pas dans les temps de passage et suis résigné à donner mon dossard
et finir solo.
L’idée est donc de me rendre au 40ème km,
histoire de pouvoir dire que je reviens sur mes pas et changer mon état d’esprit.
Rendu au 40ème, je suis officiellement hors délais.
J’arrive au ravito du 46km. Sur place il y a Martin
Rouillard. Un autre super coureur de trail du Québec avec de l’expérience et
surtout un gars vraiment sympathique. Je lui demande conseil. Car rendu à ce ravito, le diable a
gagné : j’ai décidé d’abandonner. J’expose à Martin la situation. Sa
réponse est comme un vent du large qui balaye mes doutes. « Carl,
laisse-moi ton sac, mets-toi en short et en t-shirt et fini la course,
simplement pour le moral et partir dans la jungle avec la conscience
tranquille. » L’idée est parfaite. Même le diable a fermé sa gueule. Je
parle avec Éric, responsable du parcours, lui explique que je repars. Il est d’accord
car il me connaît (il me fait une fleur car je sais que cela ne lui fait pas
plaisir : Merci Éric…).
Sur le point de repartir, un gars qui avait abandonné est
séduit par l’idée de repartir avec moi. Il me demande si c’est ok pour moi.
Pourquoi pas! Donc on repart ensemble après avoir établi quelques petites
règles très simples : je cours à un pace de 6km/h minimum et je marche
dans les côtes. Il est d’accord. Il me dit qu’il a de l’expérience dans les
ultras et que ce ne sera pas un problème.
J’attaque le sentier comme un chien fou. Je vole littéralement.
Je suis léger sans le sac, je suis au frais en short et je crois à mes chances
de rattraper l’heure perdue. Seul petit problème, mon partenaire finit par
tirer de la patte. Nous devons même nous arrêter car il est étourdit. Fuck.
Méga Fuck. Je ne le laisserai pas seul
dans le bois dans cette condition! En plus ce sont mes amis qui organisent la
course, ce ne serait pas très cool de ma part de leur dire : Hé en
passant, j’ai laissé un gars à 5km du ravito, il ne se sentait pas bien! Donc
je reste assis avec lui mais je sens que le diable revient… Je m’étais sauvé,
mais il m’a retrouvé et il est bien décidé à ne pas me laisser repartir.
Après quelques interminables minutes, on repart en marchant.
Je suis tellement en colère! Hors de moi. Le diable coule dans mes veines. Je
commence à penser qu’il s’est peut-être matérialisé dans le coureur qui m’accompagne.
Je cours peut-être avec le diable!
Arrivé au ravito 57km j’annonce à Éric que c’est fini pour
moi. Mon partenaire me demande si c’est de sa faute? "OUI!!! Tu m’avais
dit être capable de suivre le pace! En plus, t’as failli écraser dans le
sentier! J’ai un pompier qui est mort voilà maintenant 3 mois à mon propre
demi-marathon, penses-tu que je t’aurais laissé là, seul dans le bois, à voir
la façon dont tu te sentais?!?¸" Je suis en
colère. Pour ceux qui me connaissent, vous comprendrez que cette réponse que j’ai
donnée au pauvre type ne me ressemble pas. Le diable encore. Normalement j’aurais
gardé cette réflexion pour moi car le mec a fait la même distance que moi, se
sent probablement autant sinon plus découragé que moi, et ma réaction est de
lui rentrer dedans comme un bulldozer. J'y repense et je me sens mal. Le pauvre gars. Désolé mec. En passant, je n'aurais peut-être pas plus finit la course si j'étais parti seul! Malheureusement, au moment où il m'a posé la question, disons que je n'étais pas très zen. Désolé encore!
Donc ma course s’est terminée là. Beurk.
Maintenant que je suis un peu moins tout croche (ça doit
paraître à me lire) voici quelques apprentissages qui j’espère vous servirons.
Ne vous en faites pas, je serai le premier à les mettre en place.
1.
Ce n’est pas toujours facile de courir. Des fois
c’est même chiant.
2.
Joan Roch dit que c’est possible d’apprendre à
ne pas abandonner. Il a probablement raison. Moi je vous dis qu’avant d’apprendre
à ne pas abandonner, il faut apprendre à abandonner. Le DNF qui apparaît à côté
de votre nom (Did not finish) est quelque chose qu’il faut accepter. Je vous
jure que pour moi, c’est difficile! Je dois apprendre…
3.
Le diable viendra un jour vous rendre visite
pendant une de vos courses. Je ne sais pas trop comment le combattre, je sais
que je vais plutôt l’apprivoiser.
4.
Gérez votre course et votre préparation. J’ai
mangé tout croche la semaine avant, je ne me suis pas alimenté correctement
pendant la course. J’ai regardé la carte du parcours avec les ravitos 2 jours avant la
course. Pas fort, pas fort.
5.
Prenez les choses au sérieux, pas vous. J’étais
trop confiant, pas assez préparé. Il faut que ce soit l’inverse : Pas trop
confiant et assez préparé!
Je pourrai me trouver 1000 défaites pour
expliquer mon mauvais résultats dans cette course. Je sais que vous m’aiderez
car vous êtes gentils. Mais soyons honnêtes. Si je n’avais pas été si con, j’aurais
terminé le 80km, j’étais physiquement prêt.
Donc pas de défaites. On se relève, on corrige
et on recommence.
En finissant, quelques mercis très
importants :
1.
Mario, Mélanie, Peggy, Éric, Caroline, Daniel ,
Guy Boisclair et tous les bénévoles de la Chute du Diable. Quelle course,
quelle organisation! Bravo.
2.
Martin Rouillard et Éric (encore) pour votre
support au 46ème km.
3.
Tous les coureurs que j’ai rencontrés sur le
parcours. Je pourrais en nommer beaucoup mais je ne veux pas en oublier. Merci
pour les encouragements et félicitations à vous!
4.
Merci à mes potes qui m’ont écrit en privé après
pour prendre des nouvelles et me donner une tape dans le dos.
5.
Pierre Champagne pour les lifts avant et après.
Surtout pour ton analyse de la situation qui m’a aidé à extraire le diable (un
peu).
6.
Finalement ma gazelle qui sait toujours gérer la
situation et me ramasser. Ma belle, est-ce que je t’ai déjà dit que je t’aimais?
Une période d'échec est un moment rêvé pour
semer les graines du succès.
Paramahansa Yogananda