Je suis seul. Je cours avec ma musique. Il est tôt le matin.
Sentier le solitaire, parc National de la Mauricie. 3 janvier 2016.
Le soleil se lève doucement. Comme dans les films, des
rayons filtrent à travers les arbres et frappent les flocons qui tombent
tranquillement. Comme si eux aussi voulaient profiter de ce moment. Il
fait peut-être -10 degrés, mais à ce moment la température n’a plus d’importance.
Que mes pas dans la neige, mon cœur qui bat et cette chanson. Je souffle, les
montées sont abruptes, les descentes rapides. Je pourrais battre mon temps. Je
le sens, je suis dans la zone.
J’arrive à un point de vue spectaculaire. J’ai vu cet
endroit 100 fois, mais à toutes les fois c’est magique. Cette fois je n’arrête
pas longtemps, car je vais battre mon temps. J’écoute ma musique et je pense.
Je pense à mes projets, ma famille, mes amis. Je médite sur la vie, sur ce que
je veux, ce qui m’attend pour 2016. Sur mes résolutions ? Un peu aussi ! Je
regarde ma montre. Wow, je suis rapide ! Je cours avec souvent avec des amis
dans ce sentier et je pourrais leur lancer le défi de battre ce temps. Ces
coureurs sont plus forts que moi, mais je sens que là, j’ai des chances !
Et à ce moment je me fais l’ultime commentaire : T’es rapide,
pis après ?
Je ralentis, frappé par cette simple question : Pis après
?
La vie va vite, vous le savez. On veut performer, se dépasser,
se surpasser. On veut pouvoir dire : j’ai réussi, je l’ai fait ! Je ne
fais pas la morale, je suis dans ce moule. Mais ce matin-là, dans le Solitaire,
le moule a craqué un peu...
J’arrive à l’intersection du ruisseau Bouchard, un autre
sentier un peu plus long. J’ai le choix de continuer dans le Solitaire et
battre mon temps, ou aller faire le Ruisseau Bouchard, un sentier que je ne
fais pas souvent. Il fait beau, j’ai du temps, les jambes sont bonnes et
surtout j’ai sens une liberté que j’ai le goût de faire durer. J’arrête la
montre. Je prends le sentier du Ruisseau.
Mes pieds s’enfoncent un peu dans la neige car ce sentier
est moins tapé. Je cours sur le bord d’un ruisseau qui ondule dans le fond d’une
petite vallée. Je suis encore dans la zone, je vais encore vite, mais cette
fois, je cours léger, je flotte. Je pense à mes enfants qui grandissent trop
vite mais dont je suis fier, je pense à ma gazelle qui me permet de vivre ces
moments et qui s’est mise à la course en sentier. Que j’aimerais qu’elle soit
ici et partager ce moment avec elle.
Je pense à combien c’est bon de courir sans objectif.
Combien c’est agréable de simplement mettre un pied devant l’autre, de sprinter
en zig zag entre les arbres, de sentir son pouls dans ses cuisses en haut d’une
pente ou l’adrénaline d’une descente. Je réalise que ma zone se trouve
peut-être là, dans cette liberté…
J’arrive à la maison, je donne ma montre à ma douce et lui
dit qu’elle pourra l’utiliser, je n’en aurai plus besoin…
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