lundi 18 février 2013


La zone


               Le mur, ce fameux mur du coureur. Existe-t'il vraiment? Est-ce psychosomatique? Aucune idée. Mais ce dont je suis certain, c'est que lorsqu'on le frappe, c'est dur sur le moral...

Marathon de Montréal, septembre 2010. Je m'étais entraîné pour faire ce marathon en 3h30. Lever à tous les matins avant le travail, entraînements ardus etc. C'était le marathon. Celui où je franchissait le 3h30 et savourait le fait d'avoir grandement amélioré mon temps. C'était la course de toutes les possibilités et si je réussissait à améliorer mon temps, l'étape suivante était la préparation pour une qualification pour le marathon de Boston 3 ans plus tard.

Que d'objectifs! Je me voyais déjà revenant la tête haute, applaudit par la foule qui scandait mon nom! ( ok, ok...lorsqu'on s'entraîne le matin à 5h00, on a le droit de s'imaginer de petits scénarios).

Le départ est donné. Je suis étonné de la grosseur de la foule de coureurs. Sans blagues, autant de coureurs à un même endroit, c'est impressionnant!  Tout va bien. Je flotte littéralement sur les 10 premiers km. Mon temps est bon. Il fait beau, pas trop chaud et les spectateurs sont en feu.

Je ralentis la cadence un peu, histoire de m'économiser et fait mon 1er 21,1 km en 1h49. Petit problème car lorsqu'on multiplie par 2, ça fait 3h38. Je dois donc accélérer un peu pour rentrer dans mon temps. Alors j'accélère.

Et là, au 31ème km...BANG! Le nez direct dedans. Le mur fait 4 rangées de briques d'épaisseur par 20 pieds de haut. Pas moyen de le contourner ni de passer par dessus, encore moins de le défoncer. Chaque pied pèse 1tonne. Chaque pas demande plus d'énergie que j'en ai. Je me surprend même à me demander si dans ma ceinture de ravitaillement  je n'aurais pas de l'argent pour prendre le métro. En gros, ça va pas ben!

J'essaie tous les mantras que je connais : un pas à la fois, vas-y lâche pas t'es capable, il n'en reste que 10, ta blonde t'attends à l'arrivée avec ton gars, l'important c'est de le finir. Rien y fait. Je sais pertinemment que je n'attendrai pas mon objectif, que tous ces levers, toutes ces heures de courses n'auront pas été suffisants. Alors je cours la mort dans l'âme, en me disant que je vais finir par principe et qu'on ne me verra plus courir de sitôt.

J'arrive à la ligne d'arrivée, croise les yeux de ma blonde qui comprend sur-le-champs "qu'il y a un os", et m'engouffre dans le stade en sprint pour au moins finir en moins de 4h00 ( mon temps final sera de 3h57).

J'ai cessé de courir pendant 4 mois suite à cette course. Je n'y trouvais plus de plaisir et c'était une corvée. J'ai tenté de trouver les raisons de cet échec. Trop d'entraînement? Mauvais entraînement, mauvaise préparation alimentaire? Aucune idée...

Après la période des fêtes, je recommence à courir sans but précis. Simplement pour prendre l'air et recommencer ce que j'aime faire. Je me dis que pour me réconcilier avec la course, je vais faire le demi-marathon de Mtl, sans objectif, que pour le plaisir.

Je m'entraîne de façon adéquate sans plus, profites de la vie et me dis que ce demi-marathon en sera un sans stress. Le matin de la course, je m'installe à la ligne de départ. Je prépare ma montre GPS qui me dicte ma vitesse, mes pulsations, ma moyenne STOP!!! LÀ JE COMPRENDS!!!

Je prends ma montre et l'attache à l'arrière de ma ceinture pour ne pas la voir. Je mets l'album de Damien Rice dans mon lecteur mp3 ( petite musique relaxe ) et au coup de feu, je me dis: profites-en !

J'ai fait sans contredit ma plus belle course à vie. Je n'avais aucune idée de mon temps ou ma cadence. J'admirais le paysage, courait selon le feeling et souriait au gens qui me dépassaient ou que je dépassais. WOW! J'étais dans la zone. Cette zone où tout va bien. Cette zone où ton corps sait ce qu'il doit faire sans tu aies à lui dire. Cette zone où tu te fais le commentaire : Putain! Je pourrais sûrement courir encore longtemps à cette vitesse!

Depuis cette course, il m'arrive souvent d'être dans la zone. Je ne cours pas plus vite, ni plus longtemps, mais c'est un réel plaisir de courir! Portez attention lorsque vous courrez, vous le sentirez probablement!

Si j'écris ce message ce soir, un lundi du mois de février à 23h30, c'est parce que ce soir, en courant sur mon tapis, j'étais dans la zone. Pour aucune raison. Mais ça m'a rassuré sur cette épreuve de 250km que je m'en vais faire dans le désert. Je sais que la zone existe et si je peux m'y retrouver sur un tapis de course dans mon sous sol un lundi soir, je devrais être capable de retrouver la zone dans ce fabuleux paysage que sera celui du désert.

bonne nuit!
ps, la montre est un incroyable outil d'entraînement. Mais n'oubliez surtout pas de courir pour le plaisir!



1 commentaire:

  1. Vraiment très intéressant ton blog. Chaque coureur à son histoire et se reconnait dans celle des autres. De plus en plus, je m’aperçois que le trajet qu'on emprunte est beaucoup plus important que le but recherché. Alors continue... les milliers de km avant, comptent beaucoup plus que les 250km derniers.
    Eric

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